De la première participation en 1963 à l’Hypercar en 2021, Alpine occupe une place de choix dans la mémoire des 24 Heures du Mans, qu’il s’agisse de son palmarès ou de sa cote d’amour jamais démentie auprès des passionnés français de sport automobile. Cette saga sarthoise a connu plusieurs chapitres, rythmés par une ascension méthodique vers la victoire. Ce premier épisode salue les pionniers de la marque au Mans, des années 1960 jusqu’à la victoire au général de 1978, sous la dénomination Renault-Alpine.
Fondateur de la marque en 1955 alors qu’il est concessionnaire Renault, Jean Rédélé (1922-2007) la baptise Alpine en référence aux routes sinueuses des Alpes, l’un de ses terrains de prédilection en tant que pilote. Si Alpine a connu la gloire au début des années 1970 en rallye avec la légendaire A110 (dite « Berlinette »), les 24 Heures du Mans ont tout autant compté dans son histoire.
1963-1969 : les premiers lauriers des pionniers
De 1964 à 1969, Alpine a cumulé six victoires de catégorie aux 24 Heures du Mans. Pour les débuts d’Alpine en 1963, trois exemplaires de la M63 sont au départ, aux mains de Christian Heins/José Rosinski, René Richard/Piero Frescobaldi et Bernard Boyer/Guy Verrier, tous contraints à l’abandon. L’année suivante, Alpine reçoit ses premiers drapeaux à damier sarthois, avec la 17e place de Roger de Lageneste/Henry Morrogh et la 20e de Roger Masson/Teodoro Zeccoli.
En 1966, Alpine franchit une nouvelle étape d’importance en faisant son entrée dans le top 10 manceau, avec quatre A210 à l’arrivée : Leo Cella/Henri Grandire (9e), Jacques Cheinisse/Roger de Lageneste (11e), Robert Bouharde/Guy Verrier (12e) et Mauro Bianchi/Jean Vinatier (13e). L’embellie se poursuit en 1967, où Alpine égale son meilleur résultat et double même la mise dans le top 10 avec Henri Grandsire/José Rosinski (9e) et André de Cortanze/Alain le Guellec (10e). Un résultat d’ensemble complété par la 12e place de Jacques Cheinisse/Roger de Lageneste et la 13e de Mauro Bianchi/Jean Vinatier.
En 1968, Alpine progresse dans la hiérarchie du top 10 grâce à André de Cortanze/Jean Vinatier (8e), Alain Le Guellec/Alain Serpaggi (9e) Jean-Luc Thérier/Bernard Tramont (10e). Respectivement onzièmes et quatorzièmes, Christian Ethuin/Bob Wollek et Jean-Pierre Nicolas/Jean-Claude Andruet complètent ce tir groupé. En 1969, Christian Ethuin et Alain Serpaggi sont au volant de la seule Alpine à l’arrivée (12e).
1975-1978 : la route de la victoire
En 1975, deux ans après la prise de participation majoritaire de Renault dans la marque de Dieppe, un prototype baptisé Renault-Alpine A441 est au départ des 24 Heures avec un équipage féminin, constitué de Marie-Claude Beaumont et de Lella Lombardi. C’est la première étape d’un programme sportif qui connaîtra son apogée lors des trois éditions suivantes. En 1976, le moteur V6 2 litres qui propulsait la voiture de Beaumont/Lombardi fait désormais appel à la suralimentation, par le biais d’un turbocompresseur. Il est installé dans la Renault-Alpine A442 dont le premier exemplaire, confié cette année-là à Jean-Pierre Jabouille, Patrick Tambay et José Dolhem, est contraint à l’abandon.
En 1977 et 1978, Renault-Alpine renoue face à Porsche avec la tradition des grands duels de constructeurs de l’histoire des 24 Heures du Mans. Trois A442 sont engagées, et celle de Jean-Pierre Jabouille/Derek Bell, partie de la pole position, occupe la tête de la course jusqu’à son abandon le dimanche matin. Premier prototype à turbocompresseur vainqueur dans la Sarthe l’année précédente, la Porsche 936 signe sa deuxième victoire consécutive aux mains de Jacky Ickx, Jürgen Barth et Hurley Haywood.
En 1978, Renault-Alpine installe rapidement sa domination en course, tout d’abord avec la A442B de Didier Pironi/Jean-Pierre Jaussaud, leaders pendant les six premières heures, puis la A443 de Patrick Depailler/Jean-Pierre Jabouille, en tête douze heures durant jusqu’à son abandon. Pironi et Jaussaud, qui n’ont jamais quitté le top 4, reprennent alors le commandement jusqu’au drapeau à damier. Le duo français victorieux est suivi par les Porsche de Jacky Ickx/Jürgen Barth/Bob Wollek (2e) et Hurley Haywood/Peter Gregg/ Reinhold Joest (3e).
Son objectif sarthois atteint, Renault se tourne alors vers son autre objectif : faire triompher la technologie du moteur turbocompressé en Formule 1. Il faudra attendre le début des années 2010 pour qu’Alpine inscrive à nouveau son nom au palmarès des 24 Heures du Mans et de l’endurance. Une histoire toujours en cours… et à suivre dans le second épisode de cette série.
PHOTOS (D.R. / ARCHIVES ACO) : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS. De haut en bas : en 1976, la Renault-Alpine A442 (n°19) et la Porsche 936 (n°20), pionniers des prototypes turbocompressés au Mans ; l'A210 de Cella/Grandsire (n°62) signe le premier top 10 d'Alpine aux 24 Heures ; les Alpine à l'arrivée de l'édition 1967 ; les Alpine de Grandsire/Rosinki (n°46) et Bianchi/Vinatier (n°45) à l'arrivée de l'édition 1967 ; le retour d'Alpine en 1975 avec le duo de dames Beaumont/Lombardi (n°26) ; les quatre Alpine au départ des 24 Heures 1978 (à noter que seule la n°2 victorieuse de Pironi/Jaussaud a conservé la bulle aérodynamique de cockpit pour la course).